Une petite île à l'Est de Madagascar : Sainte Marie, nurserie pour baleines à bosse, de génération en génération...
Chaque été, de juillet à octobre, c'est là que les baleineaux, depuis des centaines d’années, naissent et donnent leurs premiers coups de nageoires. Sainte Marie est l’escale obligée des mégaptères, les Megaptera novaeangliae, les «créatures aux grandes ailes de la Nouvelle Angleterre», avant de reprendre la route de l’Antarctique. C’est par ces nageoires blanches et noires -elles peuvent atteindre cinq mètres de long-, qu’elles étaient autrefois repérées par les baleiniers.
Le terrain de jeu des géantes
Un souffle, au loin, à peine distinct sur l'écume des vagues, indique leur présence : les géantes croisent au large. Septembre touche à sa fin, seules quelques mères et leurs baleineaux s'attardent encore dans la tiédeur de l'Océan Indien. Le temps est à la pluie, le ciel ne se dégagera que dans l'après-midi. L'air est doux, une lumière un peu grise baigne la mer, un joli mauvais temps qui donne à la peau des cétacés de beaux reflets métalliques. Nous parcourons leur terrain de jeu, de la cocoteraie du Nord-Ouest à l'île au Sable, en passant par le chenal de Sainte Marie, propice aux rencontres.
Approche patiente
Approcher les baleines demande de la patience, et du respect : il faut savoir renoncer si elles continuent leur route, ne pas les poursuivre, mais attendre qu'elles acceptent d'elles-mêmes le contact. Le meilleur moyen consiste sans doute, moteur coupé, à se laisser dériver sur leur route et à glisser à l'eau au moment opportun. Les mères peuvent alors rester de longues minutes immobiles près du bateau, en surface ou entre deux eaux. Sous l'eau, le spectacle est saisissant : quarante tonnes en mouvement, plus de quinze mètres de long, leurs longues ailes glissent, légères, presque immobiles.
Quarante tonnes en mouvement
Pourtant, le moindre contact avec elles, sans intention brutale de leur part, pourrait sans doute être fatal. Près de sa mère, profitant de la formidable force d'aspiration créée par le déplacement de la baleine, le petit se laisse aller gentiment, collé contre son dos. Il faut garder à l'esprit une règle incontournable : ne pas chercher à se placer entre eux deux. Effrayée, la mère pourrait alors avoir une réaction agressive. Prudente, même si elle est calme, elle maintient d'ailleurs une distance de sécurité, s'éloignant tranquillement dès que l'écart avec les nageurs ou le bateau se réduit.
Bébé de deux tonnes
Le baleineau, curieux, n'a pas cette retenue, il observe d'un oeil attentif les évolutions des nageurs, tout en suivant sagement sa mère. Les petits, âgés de quelques semaines, pèsent déjà deux tonnes, et sont extrêmement joueurs : l'un de leurs passe-temps favoris consiste à sauter hors de l'eau dans une gerbe d'écume ! Ils tapent l'eau de leur queue, s'approchent des bateaux, puis recommencent la démonstration de leurs sauts majestueux. Ces couples inséparables sont les plus fréquents. Les mâles, à cette époque de l'année, jouent les grands absents, ils ont repris le chemin de l'Antarctique.
Sur la route de l’Antarctique
A la mi-octobre, les petits nés dans le courant de l'été auront emmagasiné assez de force pour se lancer à leur tour dans la grande traversée : elle les conduira en Antarctique, où les mères affamées par des mois de jeûne quasi-total pourront enfin se rassasier avec les tonnes de krill et de poissons qui peuplent l'océan. Elles rejoindront alors les mâles et les célibataires qui ont repris plus tôt la route. La jeune baleine passera auprès de sa mère au moins une année, et une partie de la seconde. Avant de repartir elle aussi, immuablement, vers les eaux de Sainte Marie où elle est née.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire