Quand on pense aux maladies résultant de la déforestation et du contact
avec les animaux, le comté de Duchess, dans l’Etat de New York, est un
endroit qui nous vient rarement à l’esprit. Pourtant c’est là que l’on
compte le plus grand nombre de cas de maladie de Lyme par habitant aux
Etats-Unis. La disparition des prédateurs naturels dans les zones
forestières de plus en plus fragmentées de la région a provoqué une
explosion de la population de souris à pattes blanches, qui transmettent
la bactérie via les tiques qu’elles portent. Le même développement
suburbain, qui découpe les forêts du comté de Duchess pour permettre de
construire des centres commerciaux linéaires et des lotissements, a créé
un terrain fertile pour la propagation de l’infection.
Des forêts saines sont plus importantes pour notre santé que nous le
pensons. En plus d’abriter une grande diversité d’espèces, elles font
office de stations naturelles d’épuration des eaux, filtrant les
impuretés et retenant les limons hors des voies navigables. Comme le
fait remarquer William Karesh, vétérinaire de terrain pour la Wildlife
Conservation Society (WCS) de New York, les épidémies se développent
souvent dans les endroits où l’on rase la forêt et où l’eau n’est plus
potable. La perturbation des voies d’eau crée souvent des nappes d’eau
stagnantes qui sont des lieux de reproduction favorables aux moustiques,
potentiellement porteurs du paludisme.
La construction de routes à travers les forêts est
également un vecteur de contacts entre les humains et la faune infectée.
On pense que ce sont les chasseurs de gibier de brousse, les premiers à
s’être aventurés dans les profondeurs des jungles africaines, qui ont
rapporté le VIH dans leurs communautés. Beaucoup d’entre eux sont
maintenant régulièrement exposés au « virus spumeux simien » (VSS), qui
peut également affecter les humains. Si l’exposition au VSS n’a pas
encore entraîné de transmission d’humain à humain, on sait que plus les
échanges sont fréquents, plus de tels virus ont des chances de muter en
maladies humaines. « C’est ce à quoi nous assistons avec Ebola »,
explique Karesh. « Plus il y a de gens dans la forêt et plus ils
chassent, plus les maladies se transmettent. »
La destruction des habitats forestiers au profit d’exploitations agricoles à grande échelle crée un autre risque de propagation des maladies. Les porcheries malaises où le virus Nipah - une infection inconnue auparavant qui a tué des centaines de personnes en Asie - a fait son apparition se situaient près d’une forêt vierge, zone d’alimentation des roussettes porteuses de la maladie, explique Jonathan Epstein de l’ONG New Yorkaise Wildlife Trust. « Dans un contexte agricole traditionnel [à petite échelle], le virus se serait trouvé à court de porcs réceptifs, » précise-t-il, mais une ferme de 30000 têtes est « suffisamment grande et densément peuplée pour subir une épidémie. »